lundi 11 avril 2016

Réalités?

J'ai une passion plus ou moins secrète, enfin disons discrète, pour les peintres réalistes contemporains. Discrète en partie par manque d'expertise - je ne sais même pas si 'réaliste' est le bon terme, je n'y connais rien en histoire de l'art et aux terminologies d'usage, mais bon, comme dit l'autre, je sais ce que j'aime. Ce que j'aime, c'est ces peintures figuratives de l'ordinaire, d'une inquiétante étrangeté par excès de réalisme, mais surtout pas hyperréalistes - je perds tout intérêt dès que ça manque de failles, j'aime les perspectives juste un peu fausses, les excès de couleur, les anamorphoses bizarrement perceptibles, mais dont les raisons géométriques exactes restent indétectables.

Je collectionne donc tranquillement un petit musée virtuel au gré de mes trouvailles. Thomas Lévy-Lasne est l'un de mes peintres préférés, avec ses extraordinaires huis clos où des couples vaguement indifférents consultent leurs téléphones portables, affalés sur des meubles Ikea facilement reconnaissables, entre un Gallimard éventré et une bouteille de Coca Light. J'adore aussi Adrien Belgrand, ses hypnotiques scènes de piscine, ses liseuses concentrées, son odalisque maigrelette avec trace de bronzage, idéal féminin du 21e siècle...

Et là je reviens de Madrid ou j'ai pu attraper au musée Thyssen une exposition extraordinaire sur les peintres réalistes espagnols du 20e siècle. J'ai découvert les oeuvres d'Isabel Quintanilla et d'Antonio López, de María Moreno et Amalia Avia (entre autres). De ces peintures, je n'ai pas tout aimé, mais quand 'ça parle', qu'est-ce que ça raconte...


Isabel Quintanilla, "La pièce à couture" (1976)
Antonio Lopez, "Lavabo et miroir" (1967)

Dans un tout autre genre, j'ai aussi adoré découvrir à Madrid Joaquín Sorolla, dont il faut absolument aller voir le musée quand on en a fini avec le Prado, le Reina Sofia et le Thyssen (bon, c'est-à-dire jamais, mais il faut quand même y aller). Sorolla, tout comme Caillebotte (mon seul chéri parmi les 'impressionnistes', sans doute parce que ce n'est pas vraiment un impressionniste), a ces rendus de lumière mariés à une précision du trait qui le fait basculer pour moi du côté clair de la force.

"Le bain du cheval" (1909)

"Après le bain", 1919

Là encore, tout ne m'a pas plu, mais la brillance de certains de ses tableaux (la brillance au sens propre du terme) est bouleversante - dans l'atelier gigantesque, déjà arrosé de soleil, où de nombreuses peintures 'de plage' sont exposées, on a l'impression d'une lumière quadruplée.

Le musée lui-même est un bonheur à visiter, une goutte de verdure en plein milieu d'un quartier de Madrid où rugissent de larges avenues à angle droit. C'est l'ancienne maison de Sorolla, et son jardin est plein de toutes petites fontaines, entre ses buissons taillés au coupe-ongles, des fleurs grimpantes et des arbustes.




4 commentaires:

  1. Et Philippe Cognée, pour compléter ta collec' ?

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  2. Merci pour ces belles découvertes. Je ne connaissais pas, et je pensais ne pas aimer, craignant que le trop de réalisme tue tout intérêt : s'il ne demeure aucune faille où se glisser, aucune fêlure par laquelle l'imagination pourrait se faufiler, pas d'espace pour inventer soi-même un monde, je pensais trouver ces toiles froides et un peu... stériles, mortes. Et pas du tout, au contraire ! C'est vraiment une belle découverte, qui m'interpelle. Merci !

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